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Aller partout. Les archives d'Hubert Damisch.

Aller partout. Les archives d'Hubert Damisch.
Notes de lecture et petit paysage. s. d. Archives Hubert Damisch / IMEC.

Noter une idée, crayonner dans un carnet le détail d’un paysage ou d’un personnage. Écouter et regarder. Revoir et relire ce qu’on a vu et ce qu’on a lu. Récolter des documents nobles ou triviaux et les « fixer » dans un dossier pour qu’ils se déplacent mieux dans la pensée. Ainsi vont les archives d’Hubert Damisch, qui s’inscrivent à l’IMEC dans un ensemble de fonds tourné vers les sciences humaines, l’histoire, l’ethnologie et la psychanalyse, avec notamment Georges Duby, Cornelius Castoriadis, Louis Marin ou Georges Didi-Huberman.

Un bon assemblage d’archives peut susciter une belle association d’idées. Dans les archives
d’Hubert Damisch, de nombreux dossiers thématiques rassemblent des documents hétérogènes pouvant être des plans de cours, des fragments de séminaires, des notes prises à l’occasion d’exposés ou de présentations par des étudiants, à côté de photocopies d’articles, de coupures de presse, de cartons d’invitation, d’éléments de correspondance, etc. On y trouve même, parfois, des notes de lecture de jeunesse. Ces feuillets noircis par Hubert Damisch durant ses années de formation, reconnaissables à leur belle calligraphie et à leur mise en page soignée avec renforts de lettres capitales et de soulignements, déclinent respectueusement et méthodiquement la logique discursive de l’ouvrage lu. Ces artefacts de la lente absorption d’un large savoir historique et esthétique, ou – pour s’amuser de l’hyperbole – de la patiente accumulation d’un capital primitif d’unités conceptuelles, ont dans les archives d’Hubert Damisch leur équivalent visuel : plusieurs centaines de photographies de monuments d’architecture, pour l’essentiel, laissent deviner par leur nombre la patience qu’exige un apprentissage raisonné du regard. Le musée imaginaire d’Hubert Damisch n’est pas celui des beaux livres. Damisch a été le maître, le concepteur et le producteur de son musée imaginaire qu’il a enrichi d’une autre manière. Son épouse, Teri Wehn-Damisch, et lui sont de
grands voyageurs. Le monde est leur affaire, mais l’Italie leur lieu de prédilection. En témoigne une imposante collection de cartes postales, presque démesurée, une sorte de pinacothèque ouverte sur l’infini dans laquelle le même tableau, le même monument est représenté autant de fois qu’il aura été approché, scruté et souvent dessiné. Les cartes postales disent des choses sur l’évolution des techniques de reproduction photomécaniques, sur la photographie industrielle et commerciale, sur l’« écologie » de l’image, tous sujets d’intérêt pour Hubert Damisch. Mais étalées en série sur une table, ces cartes postales prennent aussi la forme d’une œuvre pauvre, décalée, et pour cela propice à la contemplation et à la méditation. Dans le même ordre d’idée, ajoutons ceci : Teri Wehn-Damisch, auteure et réalisatrice de documentaires sur l’art, nourrit sa propre passion de collectionneuse avec des effigies de monuments historiques, de façades d’immeubles qui consignent à leur manière tous ces studieux voyages. Hubert Damisch participe avec plaisir à ces petits achats mnémoniques comme s’il fallait, pour maîtriser son art, maîtriser également tous les niveaux documentaires, savants ou triviaux. Le couronnement de cette activité où se croisent sans cesse l’idée et le document est constitué par des dizaines de carnets noirs dans lesquels Hubert Damisch consigne en mots et en croquis les expositions, les choses vues durant les voyages [1]. Ils sont la marque la plus éloquente (et la plus émouvante) des travaux et des jours d’Hubert Damisch.

Yves Chevrefils Desbiolles
Les Carnets de l’Imec, n°5, printemps 2016, p. 14-15.

Les archives d'Hubert Damisch.


[1] Ces voyages s’inscrivent dans la genèse de deux parmi les plus importants ouvrages d’Hubert Damisch : Théorie du nuage. Pour une histoire de la peinture, Seuil, 1972, et L’Origine de la perspective, Flammarion, 1987

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