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Françoise d’Eaubonne, itinéraire d’une pionnière
par Caroline Goldblum

Née il y a cent ans, Françoise d’Eaubonne fut à l’origine du concept d’écoféminisme. Son œuvre est aujourd’hui redécouverte. L’historienne Caroline Goldblum évoque ici l’itinéraire d’une intellectuelle au cœur des débats de notre époque.

Françoise d'Eaubonne

Caroline Goldblum est historienne, elle a publié Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme
(Le Passager clandestin, 2019). Elle poursuit actuellement ses travaux sur Françoise d’Eaubonne.

Autrice, théoricienne et activiste irréductible, Françoise d’Eaubonne (1920-2005) est une personnalité incontournable de la scène intellectuelle française de la seconde moitié du vingtième siècle. Elle grandit en région toulousaine où elle publie ses premiers recueils de poèmes et romans pendant la guerre. Autrice fétiche de René Julliard, elle remporte le prix des lecteurs Julliard en 1947 pour son roman historique Comme un vol de gerfauts. Révélée au féminisme au travers du prisme de la lecture du Deuxième Sexe en 1949, Françoise d’Eaubonne entreprend la rédaction de son premier essai féministe : Le Complexe de Diane, qui paraît en 1951. Ce livre est le premier d’une série consacrée aux thématiques de genre, puisque suivront notamment : Éros minoritaire (1970), Le féminisme ou la mort (1974), Les femmes avant le patriarcat (1977) et, surtout, Écologie, féminisme, révolution ou mutation ? (1978). Outre ses essais féministes, Françoise d’Eaubonne se distingue en tant qu’autrice particulièrement prolifique : elle publie plus d’une centaine de livres dans près de quarante maisons d’édition différentes entre 1942 et 2003.

Sur le plan militant, Françoise d’Eaubonne a choisi, comme nombre d’intellectuel.les de sa génération, au sortir de la guerre, le Parti communiste comme lieu d’expression de son engagement. Elle va le quitter définitivement en 1956 et sa militance se tourne principalement vers la défense des minorités sexuelles. Elle cofonde notamment le Front homosexuel d’action révolutionnaire en 1971. Persuadée que « toutes les luttes ne font qu’une », Françoise d’Eaubonne s’illustre aussi dans les combats contre la psychiatrie asilaire, les prisons, les sectes ; ou en faveur des radios libres et de l’Algérie indépendante.

Théoricienne, Françoise d’Eaubonne pose les jalons de l’écoféminisme dès 1974 dans un contexte de prise de conscience mondiale des problématiques écologistes (rapport Meadows, catastrophe de Minamata au Japon…). Elle fait le rapprochement entre l’exploitation de la nature et de la femme par l’homme en proposant une synthèse inédite de l’écologie et du féminisme dans le terme « écoféministe », contraction des deux pensées politiques dont elle se réclame. Autant qu’une théorie, l’écoféminisme est un outil de revendications sociales. En témoignent les actions et mobilisations menées au sein des formations écoféministes que Françoise d’Eaubonne fonde et organise.

Cette trajectoire extrêmement riche tranche par rapport à l’oubli dans lequel Françoise d’Eaubonne est restée, en dépit d’une certaine notoriété dans les années 1960, auréolée de deux prix littéraires. Pourtant, le contexte actuel d’urgence écologiste semble propice à la redécouverte de l’écoféminisme et de Françoise d’Eaubonne. C’est tout l’intérêt du fonds extrêmement riche constitué à l’Imec, et à ce jour encore très peu exploité.


Article paru dans Les Carnets de l'Imec #13-14, à l'automne 2020