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Correspondance pour l’ailleurs

Des lettres reçues du monde entier. Des lettres d’artistes, de poètes. Des lettres professionnelles, d’autres amicales. C’est une correspondance d’une immense richesse qui nourrit les archives d’Alain Jouffroy confiées à l’Imec. Alors que le classement de ces milliers de missives est en passe d’être achevé, Laetitia Ferralis décrit cet ensemble remarquable.

Correspondance pour l’ailleurs

La correspondance reçue par Alain Jouffroy s’étend sur plus de cinquante ans, de 1957 à 2009. Cette ampleur temporelle induit d’une part une grande diversité de documents, qui vont de la lettre manuscrite au courrier administratif, en passant par le contrat de travail, le prospectus, l’invitation, la carte postale, la carte de vœux… D’autre part, elle conduit à rencontrer un nombre conséquent de destinataires et d’expéditeurs : des artistes, des poètes, des intellectuels, mais elle concerne également des relations avec les maisons d’éditions, en lien avec ses publications, avec des revues dont certaines qu’il a dirigées comme Opus international ou xxe siècle. Alain Jouffroy étant critique d’art, ses archives sont en outre riches de correspondances avec les galeries ou les musées. Et ce d’autant plus qu’il fut lui-même artiste, créateur de « posages » qui furent exposés à Paris, Genève et Tokyo.

Dans cette correspondance le personnel et le professionnel s’entremêlent. Les poètes et les artistes sont des amis, les amis sont poètes ou artistes, écrivains ou essayistes, galeristes, éditeurs… Ce qui marque surtout, c’est la diversité des patronymes qui apparaissent lorsque l’inventaire de ces scripteurs défile sous nos yeux : Abdelamir, Abdelké, Valaoritis, Adonis, Baj, Cage, Crispolti, Triantafyllou, Lam, Ferlinghetti, Veličković, Yoshimasu, Reuterswärd, Adami, Král, Söderberg et tant d’autres. Car Alain Jouffroy voyageait beaucoup et semait des amitiés dans tous les pays où il passait. Aux États-Unis, dans les pays de l’Est, à Cuba, en Afrique, au Maghreb, en Italie où il vécut et en Asie. Si au départ ces voyages, ainsi qu’il l’expliquait à Kristell Loquet dans une série d’entretiens [1], répondaient « à la seule nécessité de la connaissance et de l’apprentissage d’autres langues », ils se révélèrent, plus que tout, satisfaire un besoin d’aventure (tous les voyages n’en sont-ils pas une ?) : une aventure amoureuse à Venise aux côtés de Manina, un entretien avec Fidel Castro à Cuba, sur les pas de Rimbaud à Aden au Yémen, et au Japon bien sûr comme attaché culturel. D’ailleurs les relations avec différentes ambassades sont bien représentées dans cette correspondance, car ces voyages étaient également l’occasion pour lui de se faire connaître à l’étranger, de partager des lectures, de participer à des expositions, des entretiens, des émissions, ou de rencontrer un artiste qu’il appréciait et dont il voulait parler, « pour savoir qui c’était ».

Finalement, ce qui manquerait à cette correspondance ce sont les mots d’Alain Jouffroy durant ces voyages. Sont absentes des lettres ou des cartes postales qu’il aurait pu envoyer lorsqu’il était hors de France. Pourtant, tout au long de sa vie, Alain Jouffroy s’est nourri de ces pérégrinations, plus d’une centaine en tout, qui ont inspiré son œuvre littéraire et artistique.

Laetitia Ferralis
Étudiante en master d’Histoire option « Patrimoine » à l’université de Caen-Normandie. Laetitia Ferralis a classé la correspondance d’Alain Jouffroy à l’Imec.


[1]. Alain Jouffroy, Un jeu ­d’enfants, entretien avec Kristell Loquet et Jean-Luc Parant, éd. Marcel le Poney, Illiers-Combray, 2009, p. 86.

Alain Jouffroy. Aube à l’antipode. Page de l’un des deux carnets de bord, 1947-1948. Archives Alain Jouffroy/Imec.