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Henri Lefebvre, une trajectoire singulière

Engagé au Parti communiste français dès les années 1920, le philosophe et sociologue Henri Lefebvre fait partie des premiers intellectuels qui diffusèrent en France la connaissance du marxisme. Figure essentielle parmi les penseurs critiques, il prend part à la revue Arguments. Sa Critique de la vie quotidienne inspire les situationnistes. Ses travaux sur la ville et l’urbanisme exercent une influence internationale.

Henri Lefebvre, une trajectoire singulière

Tant pour l’histoire intellectuelle que pour celle du marxisme, la trajectoire d’Henri Lefebvre incarne un moment singulier du xxe siècle. Actif dès les années 1920, il publie des articles jusqu’à son dernier souffle à la veille de la décomposition de l’URSS. Il a ainsi côtoyé trois générations d’intellectuels et de militants. Parmi les premiers grands philosophes marxistes français au moment du Front populaire, il est l’auteur de volumes à fort rayonnement au moment où le marxisme était au sommet de son influence (1950-1970). Il participe enfin aux recompositions idéologiques et politiques des années 1980 à l’heure de la crise de la politique et des idéologies.

Enseignant dans le secondaire avant 1940, Henri Lefebvre devient chargé de recherche au CNRS en 1945, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg en 1961, puis à Nanterre de 1965 à 1973. Si elle se fonde sur la philosophie, son œuvre ne saurait être pourtant réduite à cette discipline. De son livre sur la Commune à ses contributions sur la vie quotidienne et les questions urbaines, il se fit tour à tour historien, géographe ou sociologue. Un de ses ouvrages les plus diffusés et lus est son « Que sais-je ? » sur Le Marxisme, constamment réédité depuis 1948. Il a également contribué à de nombreuses revues comme auteur, mais aussi comme animateur. Sa trajectoire politique est, elle aussi, singulière. Engagé au Parti communiste français dès les années 1920, il eut des relations orageuses et tumultueuses avec ce parti. Nombre d’ouvrages de ce marxiste hétérodoxe sont mal perçus par les cadres du PCF, notamment son Matérialisme dialectique (1940) ou encore sa réappropriation positive de certains aspects de l’œuvre de Nietzsche. Il est finalement exclu en 1958. Il revient longuement sur son expérience dans un ouvrage à fort retentissement, La Somme et le Reste (1959). Il opère un rapprochement à la fin des années 1970 avec le PCF, dont il restera un compagnon critique jusqu’à sa mort ; craignant de voir disparaître toute structure susceptible d’organiser politiquement des ouvriers, il se méfiait des diverses opérations de « refondation » qui lui semblaient être un abandon de toute approche marxienne.

Après avoir été largement oublié, Henri Lefebvre est devenu dans le monde anglophone une référence dans le domaine des études urbaines depuis une vingtaine d’années. En France, un certain regain d’intérêt est également à relever, autour notamment de son rapport à Marx.

Jean-Numa Ducange
Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Rouen-Normandie / Institut universitaire de France


Henri Lefebvre. Tapuscrit annoté de l’article « Les paradoxes d’Althusser », 1969 (L’Homme et la Société, no 13, 1969). Archives Henri Lefebvre/Imec.