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Béatrix Beck
En famille

Une constellation familiale part de l’écrivain Christian Beck et dessine une lignée de femmes auteures et artistes dont Béatrix Beck – prix Goncourt en 1952 pour Léon Morin, prêtre – est l’étoile la plus visible. Grâce à sa petite fille Béatrice Szapiro qui les a précieusement conservées, les archives d’une généalogie hors du commun ont rejoint la maison Imec.

Béatrix Beck En famille

« Quatre d’un coup » pourrait être le sous-titre de ce fonds, si l’on aime, comme Béatrix Beck, les contes… Sous le nom de Beck, quatre générations d’écrivains sont en effet réunies à l’Imec: Christian Beck (1879-1916), sa fille Béatrix Beck, (1914-2008), sa petite-fille Bernadette Szapiro (1936-1999). Et Béatrice Szapiro, arrière-petite fille de Christian, qui a déposé les archives d’une passionnante lignée, dont l’œuvre de Béatrix Beck est la pièce maîtresse. Non tant en vertu du prix Goncourt qui couronna en 1952 Léon Morin, prêtre, son troisième roman paru chez Gallimard. Ni même parce que l’écrivain, prix du Livre Inter 1979 pour La Décharge y évoquait ses quelques mois passés auprès d’André Gide, ami de son père, et dont elle fut la dernière secrétaire. Au-delà de ces « faits de gloire » de la vie littéraire, l’IMEC accueille la singularité d’une œuvre constamment renouvelée par la langue, les formes et les thèmes, de l’animalité au genre, des marges de la société aux questionnements religieux. Pionnière, Béatrix Beck fit entrer le grand âge en littérature, doua de parole un nouveau-né, des chats et des anges. Audacieuse, libre et d’un humour narquois, son œuvre s’étend de 1948 à l’an 2000.

Née le 30 juillet 1914 à Villars-sur-Ollon en Suisse, au hasard d’un voyage de ses parents qui s’étaient connus à Paris, à la Bibliothèque nationale, Béatrix Beck (« Béatrix comme perdrix » spécifia bien son père) débute son cycle autobiographique avec Barny, récit de son enfance auprès d’une mère qui l’élève dans le culte d’un père tôt disparu. Une mort irrégulière raconte celle de son époux Naum Szapiro pendant la guerre. Sa vie de veuve s’en suit, avec une enfant demi-juive, à Grenoble où un prêtre fut à l’origine de sa conversion au catholicisme. Pour un temps seulement. Elle revendiquait surtout un esprit religieux, se comparant à une gargouille, attachée à l’Église, mais à l’extérieur. Après Cou coupé court toujours (1967), Barny, son double, rejoint l’écrivain. Sa « seconde manière » fait alors se succéder les vies romanesques d’une voisine prostituée, d’une brocanteuse malade d’amour, d’une lilliputienne intrépide… Ses relations avec des écrivains de droite lui inspirent Don Juan des forêts, ou Devancer la nuit. Plus le temps passe, plus l’écriture se concentre sur la nouvelle pour la forme, sur la Bible pour le fond.

Avant de savoir lire, Béatrix tenait comme reliques les brochures écrites par Christian Beck. La peintre, Bernadette Szapiro, revisita le matériau familial dans La Première Ligne, premier de ses romans. Béatrice Szapiro fera de même dans Les Morts debout dans le roc, puis consacrera un livre à son arrière grand-père, Christian Beck. Un curieux personnage, que fut en effet ce poète wallon, voyageur littéraire et fondateur de la revue Antée, ancêtre de la NRF[^1] . Gageons que, sous la figure de la prosopopée chère à Béatrix Beck, s’ouvrent de féconds dialogues entre ce fonds remarquable par son originalité et sa richesse (manuscrits et correspondances notamment) et ses futurs lecteurs.

Valérie Marin La Meslée
Journaliste, auteure de Confidences de gargouille, écrit à partir de ses entretiens avec Béatrix Beck (Grasset, 1998).


  1. Béatrice Szapiro qui est également auteure de La Fille naturelle. Pour Jean-Edern Hallier, mon père (Flammarion, 1997) a choisi – en accord avec les autres enfants de Jean-Edern Hallier – l’Imec pour abriter les archives de ce dernier.
  • Béatrix Beck. Brouillon de Barny, [s. d.]. Archives Béatrix Beck/Imec.