Aller au contenu
Recherche

Fraternités toulousaines

Fraternités toulousaines

Quand il débarque du train le 11 Juin 40, le jeune Edgar Nahum-Morin, à peine 19 ans, file à la faculté des lettres de Toulouse pour s’inscrire aux examens. Il tombe sur le Professeur Faucher qui lui indique de rejoindre le centre d’accueil pour étudiants réfugiés qu’il vient de créer. Il y court, arrive au moment du repas et se retrouve assis derrière une grande table parmi des jeunes de son âge venus du Nord de la France, de la Bretagne, de la Lorraine ; des étrangers aussi, beaucoup même, des libanais, des iraniens, des réfugiés de la Guerre d’Espagne. « À partir de ce moment, raconte Edgar, je fraternise. Mon besoin de frères et sœurs, dont en fils unique j’étais privé se trouve soudain pourvu »

Nahum-Morin n’a de cesse de s’engager, filer des coups de mains pour trouver un logement à ses condisciples. On a même le sentiment que les examens passent au second plan. Ce qui l’intéresse ? Qu’on se confie à lui. Pacifiste, il inspire confiance aux communistes ; juif, aux anti-allemands. Il est le jeune homme qui crée des ponts, qui rassure aussi par sa bonhommie et son sens aigu de la conversation. Il pressent, dans ce chaos naissant, que son empathie naturelle et sa rage de vivre va le guider vers des engagements plus politiques, plus intellectuels. Il travaillera même pour Julien Benda réfugié à Carcassonne ! Définitivement émancipé de ses parents, le fils de Vidal-Nahum est prêt pour toutes les aventures. C’est à Toulouse qu’il prend sa carte au PC, entre dans la Résistance ; c’est là aussi qu’il sympathise avec Clara Malraux, Vladimir Jankélévitch ou Jean Cassou. Le voilà armé pour se forger un destin. Il vient d’avoir 20 ans.

Jean-Michel Djian