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Les vœux d'Harald Szeemann

Les vœux d'Harald Szeemann

Retrouvant, à l'occasion des 50 ans d'artpress, les bons vœux que nous avait adressés Harald Szeemann (1933-2005) pour ses 20 ans, je peux me dire, avec émotion, qu'ils nous ont en effet porté chance.

Entre 1974 et 1999, nous avons publié cinq interviews de Szeemann, menées respectivement par Otto Hahn, Jean-Yves Jouannais, Christian Bernard, deux par moi. Nous l'avons interrogé aussi bien sur les très grandes expositions internationales qu'il a conçues de manière exemplaire, Documenta à Cassel, Zeitlos à Berlin, la Biennale de Venise, faisant de lui le modèle idéal du « curator » que par la suite des générations se sont efforcées d'imiter, que sur celles, bien plus modestes et inattendues, telle celle consacrée à son grand-père coiffeur. Son prestige venait surtout du fait qu'il avait organisé en 1969, alors qu'il dirigeait la Kunsthalle de Berne, l'exposition fondatrice des avant-gardes des années 1970, Quand les attitudes deviennent forme. Outre son ouverture d'esprit, sa disponibilité, sa gentillesse, la très grande qualité de Szeemann était que, tout en ayant redéfini le rôle du commissaire d'exposition, il n'était pas un manipulateur d'œuvres. Ce n'était pas un idéologue, il se laissait guider par les œuvres.

Je le croisais de temps en temps, dans des circonstances contrastées. Une fois à Sarajevo, au lendemain de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, où nous étions pour accompagner, avec tout un groupe d'acteurs du monde de l'art, le projet Ars Aevi, le musée d'art contemporain de Sarajevo, né pendant le siège de la ville. Il y eut un dîner dans une sorte de taverne et nous nous sommes trouvés assis face à face, et Szeemann m'a dit en traînant la phrase à la manière suisse : « et voilà, nous étions à Venise la semaine dernière, et maintenant, nous sommes ici. » Sûr que la taverne était moins courue que le Florian, place St-Marc, mais que nous étions bien contents quand même de nous y retrouver.

Catherine Millet