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Abbaye

Les XVIIe et XVIIIe siècles

En 1596, le prieur Jean de la Croix, venu de l’abbaye voisine de Belle-Étoile, commence son œuvre de restauration. Dès 1598, la règle de vie est de nouveau conforme aux statuts prémontrés. Et en 1609, la consécration solennelle de l’abbatiale et de ses quatre nouveaux autels permit de célébrer un office religieux, ce qui n’était pas arrivé depuis cinquante ans !

La réforme générale de l’ordre prémontré fut introduite à Ardenne vers 1620. En 1629, Jean de la Croix confirme l’adhésion d’Ardenne à la règle de l’Antique Rigueur. Les chanoines renouent avec les anciennes pratiques de la règle : chant des matines à minuit, abstinence perpétuelle de viande, ou encore obligation de dortoir et de réfectoire communs.

L’abbaye d’Ardenne revit : si en 1587, une douzaine de religieux vivent à Ardenne, ils sont une trentaine en 1628. Considéré comme le deuxième fondateur d’Ardenne, Jean de La Croix s’attache aussi à rénover l’abbaye. Il clôt les arcades du cloître gothique pour le protéger du froid et du vent, et fait construire un nouveau dortoir. Surtout, il dote le lieu d’une bibliothèque d’environ mille huit cents ouvrages. Rénovation spirituelle et rénovation matérielle furent les actions de Jean de La Croix. À sa mort en 1654, Ardenne est l’abbaye prémontrée la plus puissante de Normandie.

Après sa mort, les religieux d’Ardenne ont poursuivi son œuvre de rénovation. Un édit royal de 1666 les encourage : l’ensemble des ordres monastiques de France doivent investir leur capital dans le bâtiment afin de faire rentrer des biens réputés improductifs dans le circuit de l’économie nationale et d’occuper une importante main-d’œuvre.

Vers 1680, les chanoines prémontrés achevèrent la construction d’une nouvelle porte monumentale, dédiée à saint Norbert, donnant immédiatement accès aux lieux réguliers par le Nord. Quelques années plus tard, en 1686, ils remplacèrent les voûtes ruinées de l’abbatiale par des croisées d’ogives en bois ; la galerie qui longeait le cloître fut restaurée en 1689 et deux chapelles saillantes furent construites contre le mur nord de l’abbatiale.

Le pressoir fut rétabli et, sur le côté nord de ce dernier, un nouveau logis abbatial fut construit après 1711, hors les lieux réguliers, au bénéfice de l’abbé commendataire qui, rappelons-le, ne faisait pas partie de la communauté canoniale. Cet ouvrage, aujourd’hui disparu, est attribué à l’architecte Pierre Queudeville, de la paroisse Saint-Nicolas à Caen.

On observe tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, à l’abbaye d’Ardenne comme ailleurs, une propension générale à une vie moins ascétique, plus confortable, avec des logis plus vastes, moins sombres, plus aérés, selon des conceptions architecturales empreintes d’ordre et de raison, comme l’exige ce temps des Lumières. Les travaux, souvent réalisés avec des matériaux provenant de la démolition de bâtiments médiévaux passés de mode, se sont prolongés jusqu’en 1789. Ils s’inscrivaient dans le renouveau artistique du monde monastique normand aux siècles classiques.

Cette incessante activité constructive des chanoines d’Ardenne a été propice à la carrière du plus célèbre des architectes issus directement de l’ordre de Prémontré, le frère Eustache Restout, né à Caen en 1655 et mort en 1743. Initié à la peinture par son père, Marc-Antoine Restout, Eustache fit sa profession de foi à l’abbaye d’Ardenne en novembre 1677. Bien qu’il ait joué un rôle dans la reconstruction et la décoration des abbayes d’Ardenne et de Falaise, sa réalisation la plus connue reste l’abbatiale et le cloître de Mondaye ; située à quelques dizaines de kilomètres d’Ardenne, cette église correspond aux canons classiques en vigueur à l’époque.

Le frère aîné d’Eustache, Eugène Restout, fut lui aussi artiste et chanoine à l’abbaye d’Ardenne. Théoricien, il a publié à Caen en 1681 un manifeste intitulé La Réforme de la peinture. Restout mourut cependant assez jeune, ne laissant aucune œuvre proprement architecturale.